Pédalier Hammond XPK-250W
Posté : jeu. févr. 13, 2020 3:33 pm
Voici quelques mois j'ai eu l'honneur de travailler une seconde fois pour Hammond Europe,
avec le salaire, et comme je m'étais promis de poursuivre dans la voie d'ajouter un pédalier au formidable XK-5, j'ai choisi de ne pas mégoter sur le pédalier, et c'est ainsi qu'à présent un somptueux XPK-250W agrémente l'orgue.
Avant de commencer à en parler, je veux dire que je suis d'accord à priori, compte tenu de ce que je m'apprête à écrire, pour toutes les critiques sur le fait que j'aurais une tendance naturellement, compte tenu de cette circonstance, à faire une revue positivement biaisée. Je veux bien entendre ce reproche, mais je demande quand même que l'on lise les arguments et les faits que je rapporte plus bas, à l'aune de ce qu'ils présentent et signifient. Il est très difficile d'écrire élogieusement sur commande, moi je n'y arrive pas en tout cas, et j'espère que des organistes éprouvés reconnaîtront quelque réalité dans les points que je mets en avant, ainsi que dans cet autre fil http://roufonistes.free.fr/forum/viewto ... =14&t=6389, qui modère ou éclaire différemment l'enthousiasme que je développe ici.
Depuis 3 ans, mon intérêt pour le XK-5 ne s'est pas démenti. Pour ceux qui n'auraient pas suivi cette nouveauté, le magasin Kraftmusic.com a publié l'an dernier une vidéo entièrement musicale montrant au mieux cet orgue Hammond, dans une sonorisation fort bien faite, reprenant le son ambiant d'une cabine Leslie moderne. Le résultat est magnifique et illustre parfaitement ce que donne le XK-5 dans la réalité. Je ne résiste pas au plaisir de la reposter https://www.youtube.com/watch?v=nwCQbKQ5LHM, afin que l'on se rendre compte de ce que cela donne, et pour donner un aperçu, par la même occasion, du pédalier 25 touches radiales XPK-250W.
Le XPK-250W se présente d'abord sous la forme d'un énorme colis, livré sur une palette par un transporteur spécialisé. Dans le carton, on trouve sans surprise une ébénisterie du meilleur effet, une pédale d'expression et les instructions pour l'installer sur le pédalier et pour son utilisation, et un câble de liaison au XK-5. Une vraie beauté, made in Japan, et nous ne sommes plus habitués sans doute à ce type de produits assemblés à la main dans de petits ateliers d'ouvriers très spécialisés, mais quand on connaît le travail nécessaire pour ce niveau de travail du bois, même si le prix est élevé, en tout cas je me suis dit que j'avais beaucoup de chance d'avoir accès à ce luxe de cette façon. (je sais bien que l'Asie c'est loin, mais le Japon, ce n'est pas la Chine ou l'Indonésie, c'est un grand pays de culture et d'artisanat d'exception - et nous ne sommes plus dans les années 60, "made in Japan" aujourd'hui, pour un instrument de musique, c'est un vrai luxe.) Je suis certainement partial ici aussi comme ma belle famille est au Japon, et s'il y a des aspects précieux et dérisoires à la fois dans ce pays et cette culture, une chose est certaine, on ne trouve guère ce type de qualité que dans l'artisanat très pointu ici en Europe désormais!
Passé ce préambule sur la bonne surprise d'une livraison sans encombre et le déballage qui confirme cette impression, il est temps d'installer le pédalier, ce qui est d'une simplicité totale, il n'y a en tout et pour tout qu'une vis à main à serrer pour sécuriser la pédale d'expression, et un câble à brancher, qui prend en charge depuis l'orgue l'alimentation électrique et la transmission des signaux des touches.
On dispose sur le pédalier, grâce à des combinaisons de touches, des réglages classiques de canaux MIDI, et d'un offset d'usure des contacteurs de touches, pour simuler le vieillissement du pédalier. Si l'on préfère, on peut aussi démonter le pupitre du pédalier pour régler mécaniquement la tension des ressorts des touches. Pas de nécessité pour cela, le réglage initial est conforme à l'attente, les touches offrent un degré de résistance idéal, qui facilite le jeu, et sans aucune dureté ou rebond artificiel, ni sans souplesse molle.
Une fois sous l'orgue, le pédalier constitue un petit problème quant à l'assise, comme je ne dispose pas d'un banc, j'opte pour la surélévation de l'ensemble des quelques centimètres nécessaires, sur des cales de tapis anti-vibration pour machine à laver, pour y faire passer les pieds d'un tabouret à hauteur réglable. L'assise ronde du tabouret ne donne pas le confort d'un banc, mais après consultation des mesures sur l'orgue original, les dimensions correspondent, hauteur relative de l'orgue au pédalier, distance du siège au clavier, parfait en attendant de m'offrir un banc, ou d'en trouver un dans une brocante qui ferait la dimension suffisante.
Dès que l'orgue est allumé, le pédalier est reconnu et configuré immédiatement, rien à faire de plus qu'à jouer. La pédale d'expression est désormais située plus loin en arrière, et plus haut, que si elle était librement placée au sol, mais cela ne demande pas 2mn d'adaptation. Pas plus que l'angle de débattement de l'expression. C'est d'ailleurs le même modèle que l'EXP-100F que j'utilisais jusqu'alors, avec le déclencheur de Leslie latéral bien pratique.
A partir de là toutefois plusieurs choses changent dans le maniement de l'orgue, il y a désormais de quoi jouer de la basse au pied, et ce n'est pas très évident. Pour ne pas commencer à user les touches parfaitement polies, je préfère me familiariser avec ce nouvel instrument en chaussettes, et je dois dire que ce n'est pas immédiat, les touches glissent sous les chaussettes, et du reste cela demande un effort musculaire assez soutenu, encore aujourd'hui, je n'y suis pas tout à fait du tout!
Mais pour ce qui est de trouver les notes à jouer, ce n'est pas très difficile, elles tombent sous le pied gauche, le problème c'est plutôt l'effort d'apprentissage qu'il faut faire pour jouer des lignes de basse talon (sur les blanches) et pointes (sur les noires), dans un mouvement de la cheville souple et léger. il va falloir travailler tout cela.
Il y a trois ans j'avais acheté par correspondance, en même temps que le XK-5, un pédalier MIDI Studiologic 17 touches, que j'avais renvoyé immédiatement, à raison de plusieurs problèmes, tout d'abord le fait qu'il ne déclenchait pas toujours bien sur toutes les touches, il y avait des ratés, et surtout, la taille plus courte des touches, et leur implémentation droite, ainsi que leur espacement, et enfin le fait que le pédalier, pourtant très lourd, avait tendance à glisser sans cesse sous l'orgue, m'avaient laissé pensé que c'était totalement impossible que je me fasse à cette technique, et sur un modèle pareil. Ensuite j'avais regardé de près le pédalier à longues touches droites de Hammond, mais dans un effort de ne pas céder à la même erreur une deuxième fois, il m'avait semblé que le XK-5, et le projet de jouer de l'orgue sans plus penser au matériel, nécessitait le XPK-250W. L'opportunité offerte par Hammond avait fait le reste. Sur ce point, je ne renie absolument pas mon intuition, ni celle de passer sur l'offre de Crumar, aux touches raides et mal dépolies semble-t-il (quand neuf), et surtout trop radiales et trop étroites pour les grandes pointures. Le XPK-250W, pour le peu que je sache en jouer pour l'instant, est totalement conforme à l'idée que je m'en faisais, tant sur la taille, la disposition des touches, que sur leur résistance et le feeling que l'on en retire.
Le XPK-250W souffre, si l'on suit le peu d'avis disponibles, et qui demandent donc à être vérifiés dans les faits, d'un petit inconvénient dans le temps, du aux guides de touches qui se décolle(raie)nt. En effet, côté socle à l'arrière de l'orgue, les touches sont guidées par des petits coussins de plastique blanc le long des joues de leur logement, et il se peut que ces guides se décollent dans le temps, à mesure des étés et des hivers secs, selon les témoignages. En même temps, si les usagers à qui c'est arrivé déplorent d'avoir du dévisser beaucoup d'éléments pour pouvoir les recoller, ce n'est que cela hypothétiquement un jour, devoir entreprendre de recoller ces guides plastique : on a connu des matériels nécessitant davantage de maintenance, ou des pannes plus définitives, donc je ne suis pas inquiet de cette éventualité, comme je dispose d'un tournis
Sur le plan mécanique, les touches ont peu de jeu latéral, à raison de ces guides blancs, et encore, si on les sollicite à la main, et elles ne présentent aucune accroche latéralement, même lorsqu'elles sont attaquées de biais, cela me semble de très bonne augure, la mécanique a été pensée et éprouvée, et fabriquée correctement. La butée de retour des touches contre le socle arrière est formée d'une mousse souple qui amortit le bruit mécanique à quelque chose de très acceptable, même si des feutres, ou l'ajout d'une couche de feutre pourrait le rendre plus discret encore. Comme je suis en appartement, j'avais cette inquiétude des voisins du dessous venant se plaindre des bruits mécaniques du cadre en métal d'un autre modèle moins prestigieux, pour l'heure, pas de contact des voisins à ce sujet, et à mesure que je découvre l'instrument, je conçois que le jeu efficace est une jeu souple et qui ne fait pas de bruit, c'est vers cela qu'il faut aller, et l'excès de bruit mécanique dans cette butée de retour des touches, comme je le conçois après quelques temps d'utilisation, indique un défaut de technique de jeu, et là où il faut que je travaille pour m'améliorer, et de fait la disparition progressive de ce bruit mécanique, correspond exactement avec mon progrès dans le jeu au pédalier.
Sur l'aspect sonore, le XK-5 révèle tout le potentiel d'un réglage qui lui est propre et qui n'a pas été beaucoup commenté, le transformateur d'impédance, Matching transformer, lorsqu'un pédalier est utilisé et l'orgue sonorisé dans une Leslie (ici une 760N). Jim Alfredson, dans une vidéo de tips&tricks sur le XK-5 (https://www.youtube.com/watch?v=N_ChHN_s5k4), avait décrit ce réglage comme une compression d'ensemble permettant de lier tous les divers registres dans un tout organique, à l'époque de la découverte du XK-5 j'avais quant à moi trouvé que ce réglage permettait d'affiner l'usage des lampes de préampli pour obtenir un crunch plus chaleureux, et je crois que ces deux explications se complètent. Dans l'orgue Hammond vintage, pouvait-on lire dans le manuel, cet adaptateur d'impédance servait à adapter l'impédance des divers degrés de registres déclenchés par les tirettes en actionnant la busbar, afin de ne pas mettre l'amplification à risque avec des charges de résistance trop variables et changeant constamment. Dans le XK-5, ce réglage fait des merveilles sur les sons de basse dans la Leslie. Pourquoi cela?
En essayant de jouer de l'orgue avec le pédalier la première fois, mauvaise surprise, les basses bouffent tout le signal dont le Leslie est capable, difficile d'adapter le volume, si on le réduit alors on entend plus les basses suffisamment, bref, cela ressemble à un cauchemar d'amplification. Mais une fois ce réglage Matching Transformer utilisé pour les registres des manuels et des basses, tout se met en place et se mixe magiquement, le son devient plus organique sur les manuels, le crunch (si utilisation des lampes) est plus naturel, mais surtout les basses trouvent leur place totalement, elles sont soudain bien présentes en dessous des graves du registre inférieur, et sans en déranger le signal dans la Leslie, et ce, sans toucher au réglage de la Leslie ou à l'égalisation de l'orgue. Et c'est vraiment une chose étonnante, même en jouant à volume très réduit tard dans la nuit (imaginez en appartement tard dans la nuit de jouer à la Leslie), avec le réglage de MT approprié, il y a ce beefsteak des basses qui ressort en dessous de tout le reste, bien distinct, et qui permet de commencer à jouer du pied gauche sans se soucier que cela devienne prépondérant, ou trop absent.
Musicalement, l'ajout du pédalier change la façon d'harmoniser les compositions (les improvisations dans mon cas), car la basse n'est plus collée à la main gauche comme avec le coupleur, on accède à un troisième registre harmonique, et qui n'a pas de nécessité d'être très précis non plus dans son jeu (hormis rythmiquement), parce que ce sont des basses, et que l'oreille peine à en distinguer les tonalités à coup sûr.
Le XPK-250W n'est pas équipé pour jouer de la vélocité (ça tombe bien, sur le Studiologic cette fonction rendait les choses difficiles, demandant une précision dont peut-être il n'était pas capable mécaniquement, il valait donc mieux éviter de l'activer sur l'orgue), ni pour le système de multi-contact du XK-5, lequel d'ailleurs n'est pas relayé au registre des basses. C'est un peu une limitation technique, mais je pense qu'il est largement préférable d'avoir un système de contact robuste et durable et qui ne tombe pas en panne, plutôt qu'une innovation fragile, car il s'agit tout de même de jouer aux pieds, pas du tout la même inertie de force en jeu sur les touches, que sur les manuels. Il n'empêche que la technique de pompe au pied gauche est possible, d'autant que le clic sur le XK-5 est très configurable et même dans le timing de son intervention dans la course des touches. Dans le réglage du XK-5 que j'avais en branchant le pédalier la première fois (réglage pour un déclenchement un peu plus loin dans la course des touches que le réglages d'usine), cette technique de ne jouer que le "pop" des clics pour rythmique au pied gauche, s'est avéré parfait, ça n'aurait pas été mieux avec le multi-contact au pédalier (mais donc, potentiellement un pédalier beaucoup plus fragile dans le temps).
Il n'en reste pas moins que pour l'heure, je ne suis qu'un débutant au pédalier de l'orgue Hammond, c'est un exercice très prenant, quand tout fonctionne musculairement pendant quelques minutes, la sensation d'une plénitude du jeu est très appréciable, je vois déjà le point dans le futur quand cette pratique me sera devenue une seconde nature, où quelque chose dans cette pratique de l'orgue Hammond, deviendra totale, et véritablement organique au sens de l'orgue liturgique, quand l'organiste est le maître des hauts et des bas, de la dynamique, du contrepoint, et un peu à la façon dont la musique à plusieurs ne commence véritablement à devenir captivante qu'à partir de 3 musiciens, quand ce troisième registre harmonique vient soutenir, répondre, et dialoguer avec les deux autres, dans une approche de la musique complète.
Cette vertu de la troisième voie harmonique, celle du pédalier, appliquée à l'improvisation jazzesque, pour moi, c'est l'avenir de ma musique, c'est par là que passera le progrès désormais.
Le XPK-250W, dans cette optique, est outil idéal pour commencer cette approche, car c'est l'outil qui permettra les progrès sans devoir un jour réadapter une technique à un nouveau pédalier sans s'éloigner un iota de la tradition classique de l'orgue Hammond (puisque c'est basiquement le pédalier vintage réédité à la sauce moderne). Je mesure la chance que j'ai de pouvoir m'offrir cet instrument de luxe pour un travail avec le fabricant, je mesure aussi ce que cela représente en terme de dépense en cette époque d'inquiétude sur le pouvoir d'achat, les retraites, etc., mais au-delà de toute cela, du strict point de vue idéal de ma musique, j'ai le sentiment que c'est le pédalier dont on a besoin pour jouer de cet instrument. Ou à défaut en tout cas, ce format de pédalier, radial, à longues touches tenues à l'arrière, et qui se place sous le banc. C'est une autre dimension de l'orgue Hammond, assez exigeante à approcher, mais très réelle, et que l'on ne soupçonne pas si l'on en reste au jeu au double manuel à mon avis, et cela quelque soit le type de jeu au pédalier que l'on déploie.
Bref en somme le XPK-250W, onéreux certes, et pour autant entièrement conforme à ce que l'on peut en attendre, et en tout point, à défaut d'un pédalier vintage midifié ou sur un orgue vintage, de loin la meilleure solution pour une approche totale de l'instrument. Qui plus est dans ce contexte, le XK-5 se révèle une ressource permettant d'en faire usage dans une Leslie en toute cohérence sonore, grâce à une modélisation très réussie d'un composant des vintage, le matching transformer ou transformateur d'impédance, qui prend là tout son sens comme il établit un équilibre naturel entre les trois registres dans les conditions ordinaires d'amplification à travers une Leslie.
Vraiment Hammond-Suzuki, d'abord merci du fond du cœur pour cette opportunité sans pareil, et surtout bravo pour cet instrument qu'est le XPK-250W! Non pas un complément de l'orgue Hammond, un périphérique, mais bien plutôt comme l'autre moitié de l'instrument dans son ensemble! J'en avais le pressentiment qu'il s'agissait d'une chose aussi importante que cela,j'en ai maintenant la preuve. Je n'avais pas éprouvé du tout ce pressentiment avec un pédalier droit de pourtant déjà 17 touches autrefois : la disposition radiale de touches longues, change la donne du tout au tout!
C'est presque aussi cher que le XK-5 lui-même au prix catalogue, mais compte tenu de ce que cela apporte comme possibilité musicale, et vu la prestation de l'ébénisterie, je crois que c'est totalement justifié. Et je dis cela, malheureusement justifié, parce que c'est un effort en effet considérable sur le budget de l'organiste. Mais un effort qui est récompensé donc par la découverte d'une dimension nouvelle de l'orgue, (pour ceux qui comme moi ne l'auraient pas encore perçue jusque là.) Et enfin un effort à double titre, car le jeu au pédalier se mérite, et demande de la pratique.
avec le salaire, et comme je m'étais promis de poursuivre dans la voie d'ajouter un pédalier au formidable XK-5, j'ai choisi de ne pas mégoter sur le pédalier, et c'est ainsi qu'à présent un somptueux XPK-250W agrémente l'orgue.
Avant de commencer à en parler, je veux dire que je suis d'accord à priori, compte tenu de ce que je m'apprête à écrire, pour toutes les critiques sur le fait que j'aurais une tendance naturellement, compte tenu de cette circonstance, à faire une revue positivement biaisée. Je veux bien entendre ce reproche, mais je demande quand même que l'on lise les arguments et les faits que je rapporte plus bas, à l'aune de ce qu'ils présentent et signifient. Il est très difficile d'écrire élogieusement sur commande, moi je n'y arrive pas en tout cas, et j'espère que des organistes éprouvés reconnaîtront quelque réalité dans les points que je mets en avant, ainsi que dans cet autre fil http://roufonistes.free.fr/forum/viewto ... =14&t=6389, qui modère ou éclaire différemment l'enthousiasme que je développe ici.
Depuis 3 ans, mon intérêt pour le XK-5 ne s'est pas démenti. Pour ceux qui n'auraient pas suivi cette nouveauté, le magasin Kraftmusic.com a publié l'an dernier une vidéo entièrement musicale montrant au mieux cet orgue Hammond, dans une sonorisation fort bien faite, reprenant le son ambiant d'une cabine Leslie moderne. Le résultat est magnifique et illustre parfaitement ce que donne le XK-5 dans la réalité. Je ne résiste pas au plaisir de la reposter https://www.youtube.com/watch?v=nwCQbKQ5LHM, afin que l'on se rendre compte de ce que cela donne, et pour donner un aperçu, par la même occasion, du pédalier 25 touches radiales XPK-250W.
Le XPK-250W se présente d'abord sous la forme d'un énorme colis, livré sur une palette par un transporteur spécialisé. Dans le carton, on trouve sans surprise une ébénisterie du meilleur effet, une pédale d'expression et les instructions pour l'installer sur le pédalier et pour son utilisation, et un câble de liaison au XK-5. Une vraie beauté, made in Japan, et nous ne sommes plus habitués sans doute à ce type de produits assemblés à la main dans de petits ateliers d'ouvriers très spécialisés, mais quand on connaît le travail nécessaire pour ce niveau de travail du bois, même si le prix est élevé, en tout cas je me suis dit que j'avais beaucoup de chance d'avoir accès à ce luxe de cette façon. (je sais bien que l'Asie c'est loin, mais le Japon, ce n'est pas la Chine ou l'Indonésie, c'est un grand pays de culture et d'artisanat d'exception - et nous ne sommes plus dans les années 60, "made in Japan" aujourd'hui, pour un instrument de musique, c'est un vrai luxe.) Je suis certainement partial ici aussi comme ma belle famille est au Japon, et s'il y a des aspects précieux et dérisoires à la fois dans ce pays et cette culture, une chose est certaine, on ne trouve guère ce type de qualité que dans l'artisanat très pointu ici en Europe désormais!
Passé ce préambule sur la bonne surprise d'une livraison sans encombre et le déballage qui confirme cette impression, il est temps d'installer le pédalier, ce qui est d'une simplicité totale, il n'y a en tout et pour tout qu'une vis à main à serrer pour sécuriser la pédale d'expression, et un câble à brancher, qui prend en charge depuis l'orgue l'alimentation électrique et la transmission des signaux des touches.
On dispose sur le pédalier, grâce à des combinaisons de touches, des réglages classiques de canaux MIDI, et d'un offset d'usure des contacteurs de touches, pour simuler le vieillissement du pédalier. Si l'on préfère, on peut aussi démonter le pupitre du pédalier pour régler mécaniquement la tension des ressorts des touches. Pas de nécessité pour cela, le réglage initial est conforme à l'attente, les touches offrent un degré de résistance idéal, qui facilite le jeu, et sans aucune dureté ou rebond artificiel, ni sans souplesse molle.
Une fois sous l'orgue, le pédalier constitue un petit problème quant à l'assise, comme je ne dispose pas d'un banc, j'opte pour la surélévation de l'ensemble des quelques centimètres nécessaires, sur des cales de tapis anti-vibration pour machine à laver, pour y faire passer les pieds d'un tabouret à hauteur réglable. L'assise ronde du tabouret ne donne pas le confort d'un banc, mais après consultation des mesures sur l'orgue original, les dimensions correspondent, hauteur relative de l'orgue au pédalier, distance du siège au clavier, parfait en attendant de m'offrir un banc, ou d'en trouver un dans une brocante qui ferait la dimension suffisante.
Dès que l'orgue est allumé, le pédalier est reconnu et configuré immédiatement, rien à faire de plus qu'à jouer. La pédale d'expression est désormais située plus loin en arrière, et plus haut, que si elle était librement placée au sol, mais cela ne demande pas 2mn d'adaptation. Pas plus que l'angle de débattement de l'expression. C'est d'ailleurs le même modèle que l'EXP-100F que j'utilisais jusqu'alors, avec le déclencheur de Leslie latéral bien pratique.
A partir de là toutefois plusieurs choses changent dans le maniement de l'orgue, il y a désormais de quoi jouer de la basse au pied, et ce n'est pas très évident. Pour ne pas commencer à user les touches parfaitement polies, je préfère me familiariser avec ce nouvel instrument en chaussettes, et je dois dire que ce n'est pas immédiat, les touches glissent sous les chaussettes, et du reste cela demande un effort musculaire assez soutenu, encore aujourd'hui, je n'y suis pas tout à fait du tout!
Mais pour ce qui est de trouver les notes à jouer, ce n'est pas très difficile, elles tombent sous le pied gauche, le problème c'est plutôt l'effort d'apprentissage qu'il faut faire pour jouer des lignes de basse talon (sur les blanches) et pointes (sur les noires), dans un mouvement de la cheville souple et léger. il va falloir travailler tout cela.
Il y a trois ans j'avais acheté par correspondance, en même temps que le XK-5, un pédalier MIDI Studiologic 17 touches, que j'avais renvoyé immédiatement, à raison de plusieurs problèmes, tout d'abord le fait qu'il ne déclenchait pas toujours bien sur toutes les touches, il y avait des ratés, et surtout, la taille plus courte des touches, et leur implémentation droite, ainsi que leur espacement, et enfin le fait que le pédalier, pourtant très lourd, avait tendance à glisser sans cesse sous l'orgue, m'avaient laissé pensé que c'était totalement impossible que je me fasse à cette technique, et sur un modèle pareil. Ensuite j'avais regardé de près le pédalier à longues touches droites de Hammond, mais dans un effort de ne pas céder à la même erreur une deuxième fois, il m'avait semblé que le XK-5, et le projet de jouer de l'orgue sans plus penser au matériel, nécessitait le XPK-250W. L'opportunité offerte par Hammond avait fait le reste. Sur ce point, je ne renie absolument pas mon intuition, ni celle de passer sur l'offre de Crumar, aux touches raides et mal dépolies semble-t-il (quand neuf), et surtout trop radiales et trop étroites pour les grandes pointures. Le XPK-250W, pour le peu que je sache en jouer pour l'instant, est totalement conforme à l'idée que je m'en faisais, tant sur la taille, la disposition des touches, que sur leur résistance et le feeling que l'on en retire.
Le XPK-250W souffre, si l'on suit le peu d'avis disponibles, et qui demandent donc à être vérifiés dans les faits, d'un petit inconvénient dans le temps, du aux guides de touches qui se décolle(raie)nt. En effet, côté socle à l'arrière de l'orgue, les touches sont guidées par des petits coussins de plastique blanc le long des joues de leur logement, et il se peut que ces guides se décollent dans le temps, à mesure des étés et des hivers secs, selon les témoignages. En même temps, si les usagers à qui c'est arrivé déplorent d'avoir du dévisser beaucoup d'éléments pour pouvoir les recoller, ce n'est que cela hypothétiquement un jour, devoir entreprendre de recoller ces guides plastique : on a connu des matériels nécessitant davantage de maintenance, ou des pannes plus définitives, donc je ne suis pas inquiet de cette éventualité, comme je dispose d'un tournis
Sur le plan mécanique, les touches ont peu de jeu latéral, à raison de ces guides blancs, et encore, si on les sollicite à la main, et elles ne présentent aucune accroche latéralement, même lorsqu'elles sont attaquées de biais, cela me semble de très bonne augure, la mécanique a été pensée et éprouvée, et fabriquée correctement. La butée de retour des touches contre le socle arrière est formée d'une mousse souple qui amortit le bruit mécanique à quelque chose de très acceptable, même si des feutres, ou l'ajout d'une couche de feutre pourrait le rendre plus discret encore. Comme je suis en appartement, j'avais cette inquiétude des voisins du dessous venant se plaindre des bruits mécaniques du cadre en métal d'un autre modèle moins prestigieux, pour l'heure, pas de contact des voisins à ce sujet, et à mesure que je découvre l'instrument, je conçois que le jeu efficace est une jeu souple et qui ne fait pas de bruit, c'est vers cela qu'il faut aller, et l'excès de bruit mécanique dans cette butée de retour des touches, comme je le conçois après quelques temps d'utilisation, indique un défaut de technique de jeu, et là où il faut que je travaille pour m'améliorer, et de fait la disparition progressive de ce bruit mécanique, correspond exactement avec mon progrès dans le jeu au pédalier.
Sur l'aspect sonore, le XK-5 révèle tout le potentiel d'un réglage qui lui est propre et qui n'a pas été beaucoup commenté, le transformateur d'impédance, Matching transformer, lorsqu'un pédalier est utilisé et l'orgue sonorisé dans une Leslie (ici une 760N). Jim Alfredson, dans une vidéo de tips&tricks sur le XK-5 (https://www.youtube.com/watch?v=N_ChHN_s5k4), avait décrit ce réglage comme une compression d'ensemble permettant de lier tous les divers registres dans un tout organique, à l'époque de la découverte du XK-5 j'avais quant à moi trouvé que ce réglage permettait d'affiner l'usage des lampes de préampli pour obtenir un crunch plus chaleureux, et je crois que ces deux explications se complètent. Dans l'orgue Hammond vintage, pouvait-on lire dans le manuel, cet adaptateur d'impédance servait à adapter l'impédance des divers degrés de registres déclenchés par les tirettes en actionnant la busbar, afin de ne pas mettre l'amplification à risque avec des charges de résistance trop variables et changeant constamment. Dans le XK-5, ce réglage fait des merveilles sur les sons de basse dans la Leslie. Pourquoi cela?
En essayant de jouer de l'orgue avec le pédalier la première fois, mauvaise surprise, les basses bouffent tout le signal dont le Leslie est capable, difficile d'adapter le volume, si on le réduit alors on entend plus les basses suffisamment, bref, cela ressemble à un cauchemar d'amplification. Mais une fois ce réglage Matching Transformer utilisé pour les registres des manuels et des basses, tout se met en place et se mixe magiquement, le son devient plus organique sur les manuels, le crunch (si utilisation des lampes) est plus naturel, mais surtout les basses trouvent leur place totalement, elles sont soudain bien présentes en dessous des graves du registre inférieur, et sans en déranger le signal dans la Leslie, et ce, sans toucher au réglage de la Leslie ou à l'égalisation de l'orgue. Et c'est vraiment une chose étonnante, même en jouant à volume très réduit tard dans la nuit (imaginez en appartement tard dans la nuit de jouer à la Leslie), avec le réglage de MT approprié, il y a ce beefsteak des basses qui ressort en dessous de tout le reste, bien distinct, et qui permet de commencer à jouer du pied gauche sans se soucier que cela devienne prépondérant, ou trop absent.
Musicalement, l'ajout du pédalier change la façon d'harmoniser les compositions (les improvisations dans mon cas), car la basse n'est plus collée à la main gauche comme avec le coupleur, on accède à un troisième registre harmonique, et qui n'a pas de nécessité d'être très précis non plus dans son jeu (hormis rythmiquement), parce que ce sont des basses, et que l'oreille peine à en distinguer les tonalités à coup sûr.
Le XPK-250W n'est pas équipé pour jouer de la vélocité (ça tombe bien, sur le Studiologic cette fonction rendait les choses difficiles, demandant une précision dont peut-être il n'était pas capable mécaniquement, il valait donc mieux éviter de l'activer sur l'orgue), ni pour le système de multi-contact du XK-5, lequel d'ailleurs n'est pas relayé au registre des basses. C'est un peu une limitation technique, mais je pense qu'il est largement préférable d'avoir un système de contact robuste et durable et qui ne tombe pas en panne, plutôt qu'une innovation fragile, car il s'agit tout de même de jouer aux pieds, pas du tout la même inertie de force en jeu sur les touches, que sur les manuels. Il n'empêche que la technique de pompe au pied gauche est possible, d'autant que le clic sur le XK-5 est très configurable et même dans le timing de son intervention dans la course des touches. Dans le réglage du XK-5 que j'avais en branchant le pédalier la première fois (réglage pour un déclenchement un peu plus loin dans la course des touches que le réglages d'usine), cette technique de ne jouer que le "pop" des clics pour rythmique au pied gauche, s'est avéré parfait, ça n'aurait pas été mieux avec le multi-contact au pédalier (mais donc, potentiellement un pédalier beaucoup plus fragile dans le temps).
Il n'en reste pas moins que pour l'heure, je ne suis qu'un débutant au pédalier de l'orgue Hammond, c'est un exercice très prenant, quand tout fonctionne musculairement pendant quelques minutes, la sensation d'une plénitude du jeu est très appréciable, je vois déjà le point dans le futur quand cette pratique me sera devenue une seconde nature, où quelque chose dans cette pratique de l'orgue Hammond, deviendra totale, et véritablement organique au sens de l'orgue liturgique, quand l'organiste est le maître des hauts et des bas, de la dynamique, du contrepoint, et un peu à la façon dont la musique à plusieurs ne commence véritablement à devenir captivante qu'à partir de 3 musiciens, quand ce troisième registre harmonique vient soutenir, répondre, et dialoguer avec les deux autres, dans une approche de la musique complète.
Cette vertu de la troisième voie harmonique, celle du pédalier, appliquée à l'improvisation jazzesque, pour moi, c'est l'avenir de ma musique, c'est par là que passera le progrès désormais.
Le XPK-250W, dans cette optique, est outil idéal pour commencer cette approche, car c'est l'outil qui permettra les progrès sans devoir un jour réadapter une technique à un nouveau pédalier sans s'éloigner un iota de la tradition classique de l'orgue Hammond (puisque c'est basiquement le pédalier vintage réédité à la sauce moderne). Je mesure la chance que j'ai de pouvoir m'offrir cet instrument de luxe pour un travail avec le fabricant, je mesure aussi ce que cela représente en terme de dépense en cette époque d'inquiétude sur le pouvoir d'achat, les retraites, etc., mais au-delà de toute cela, du strict point de vue idéal de ma musique, j'ai le sentiment que c'est le pédalier dont on a besoin pour jouer de cet instrument. Ou à défaut en tout cas, ce format de pédalier, radial, à longues touches tenues à l'arrière, et qui se place sous le banc. C'est une autre dimension de l'orgue Hammond, assez exigeante à approcher, mais très réelle, et que l'on ne soupçonne pas si l'on en reste au jeu au double manuel à mon avis, et cela quelque soit le type de jeu au pédalier que l'on déploie.
Bref en somme le XPK-250W, onéreux certes, et pour autant entièrement conforme à ce que l'on peut en attendre, et en tout point, à défaut d'un pédalier vintage midifié ou sur un orgue vintage, de loin la meilleure solution pour une approche totale de l'instrument. Qui plus est dans ce contexte, le XK-5 se révèle une ressource permettant d'en faire usage dans une Leslie en toute cohérence sonore, grâce à une modélisation très réussie d'un composant des vintage, le matching transformer ou transformateur d'impédance, qui prend là tout son sens comme il établit un équilibre naturel entre les trois registres dans les conditions ordinaires d'amplification à travers une Leslie.
Vraiment Hammond-Suzuki, d'abord merci du fond du cœur pour cette opportunité sans pareil, et surtout bravo pour cet instrument qu'est le XPK-250W! Non pas un complément de l'orgue Hammond, un périphérique, mais bien plutôt comme l'autre moitié de l'instrument dans son ensemble! J'en avais le pressentiment qu'il s'agissait d'une chose aussi importante que cela,j'en ai maintenant la preuve. Je n'avais pas éprouvé du tout ce pressentiment avec un pédalier droit de pourtant déjà 17 touches autrefois : la disposition radiale de touches longues, change la donne du tout au tout!
C'est presque aussi cher que le XK-5 lui-même au prix catalogue, mais compte tenu de ce que cela apporte comme possibilité musicale, et vu la prestation de l'ébénisterie, je crois que c'est totalement justifié. Et je dis cela, malheureusement justifié, parce que c'est un effort en effet considérable sur le budget de l'organiste. Mais un effort qui est récompensé donc par la découverte d'une dimension nouvelle de l'orgue, (pour ceux qui comme moi ne l'auraient pas encore perçue jusque là.) Et enfin un effort à double titre, car le jeu au pédalier se mérite, et demande de la pratique.